Catherine Ysmal

Écrivain
16 mardi avril 2013

Irène, Nestor et la Vérité est sur Hublots, lecture

Extrait et lien :

« Quand l’histoire d’un couple qui ne se comprend plus ne se raconte pas mais se donne à voir autant qu’à lire par pans entiers de discours intérieurs auquel l’autre jamais n’aura accès c’est la tragédie du langage qui se joue et ne peut se dire autrement qu’avec les mots impossibles que nous avons en partage… »

Philippe Annocque a lu « Irène, Nestor et la Vérité »

10 jeudi janvier 2013

« Irène, Nestor et la vérité », Quidam Editeur, mars 2013.

Souscription ouverte du 2 janvier au 28 février 2013. Pour celle-ci, prendre contact avec Quidam Editeur.

Quidam Editeur
5, rue Mansart
92190 Meudon
Tél. : 06 67 20 97 75
quidamediteur@free.fr

(Ensuite, dans toutes les bonnes librairies.)

IRÈNE

Quand j’ai ouvert les yeux, j’ai senti du bois, plus loin la pierre. Le vert. La couleur est entrée comme une éclaircie du ciel. Je ne savais pas ce que je faisais ici ni non plus comment j’y étais arrivée. Je ne me souvenais de rien. Et maintenant, peu de choses encore, juste le ciel qui est venu dans mes yeux et l’arrêt, la coupure de la lumière, le noir partout. Au loin, des voix timides. Surtout, j’entends celle d’une femme qui domine. Quelques pleurs. On s’étonne.

Je porte une robe hideuse, quelle stupidité. Cela ne va pas du tout avec la couleur de mes cheveux. Cet endroit racorni, violet aux entournures dans lequel il fait une chaleur ahurissante, se dresse en paroi sur le cœur. Ma poitrine heurte du lourd, un corps posé de la densité d’un évanoui. Je me demande. Le lieu, cette place. D’où viennent ces voix que j’entends, assourdies et en même temps si gravées en moi que j’en reconnais le sens.

Je me demande d’où viennent les couleurs, le vert jauni aux pointes, le gris qui s’y mélange et ces points blancs comme au fond d’une gorge piquée.

Je suis là. Étendue peut-être et pourtant mes jambes remuent. L’une doucement tandis que l’autre s’énerve, choque le pied inverse, reconnaissant la rugosité des poils du mollet. Il remonte, descend jusqu’aux phalanges des orteils. Seule une lourdeur existe sur ma poitrine à cause de ce poids, si lourd, que je me demande comment l’écarter. Des kilos pesant au même endroit, immuables, qui m’ôtent toute force. De me lever sans doute. Je demeure là, étendue, à l’écart de ce que j’entends, vois, ressens, entière dans cette disposition que je ne choisis pas.

Je vois en apparitions. Un chat traverse. Un oiseau bat de l’aile et je ne vois que l’aile, pas même d’ailleurs, plutôt le mouvement, le savoir de  l’envol aux raies de lumière et au tracé qui change. Et l’oiseau plus loin qui vole encore. Cela vient toujours du coin de mes yeux. Sur la droite en particulier, un clignement et une chose furtive s’en écoule, floue de larmes, en tout cas noyée. Je ne suis capable d’aucune précision. J’ai beau ouvrir la bouche, il n’y a pas de son. J’entends l’intérieur. Et l’extérieur comme la voix de Jeanne – cette femme – mais pas la mienne, pas l’intermédiaire, pas le transfert. Muette et pleine de bruits. Fragments d’hypothèses jusqu’à l’irritation. Où suis-je ? (…)

(Le premier monologue de ce livre a été publié par la revue L’Arsenal 5 au printemps 2011. Cela en est un court extrait.)